Salamine

Salamine ð

29 sept. -480

Actium

Actium ð 

2 sept. -31

Lépante

Lépante ð

7 oct. 1571

Navarin

Navarin ð

20 oct. 1827



 

 

 

 

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NAVARIN   20 octobre 1827

Quand on consulte une carte de la Grèce, le regard est immédiatement attiré par les trois doigts qui prolongent le Péloponnèse dans la mer, découpent la côte de façon assez extraordinaire. Après le cap Galès ou Akritas, promontoire aride et ingrat, le plus à l’ouest des trois, les navires se trouvent exposés aux fortes houles de la mer ionienne. En remontant, le long de la côte escarpée et monotone du cap Akritas, on tombe tout à coup sur une étroite échancrée, qui donne accès à à un lac intérieur d’autant mieux abrité que l’ouverture sur la petite baie est presque entièrement occultée par l’îlot de Sphacterie, où, d’après Homère, Paris et la belle Hélène passèrent la première nuit de leur fuite vers Troie. La rade si bien protégée est celle de Navarin qui fut le théâtre d’une mémorable bataille navale entre une escadre franco-anglo-russe et la flotte turco-égyptienne, bataille très meurtrière qui devait avoir une grande influence sur l’indépendance de la Grèce et précipiter la décadence de l’empire ottoman malgré de dangereux soubresauts ultérieurs. C’est l’aboutissement de la longue et tumultueuse histoire de la Grèce et de sa difficile unité.

 

À l’époque brillante de l’empire romain d’orient et de Byzance sa capitale, son démembrement commença e 1202. Lors de la quatrième croisade, la Grèce avait connu un semblant d’unité sous l’autorité des barons chrétiens. Beaudoin de Flandres fut nommé empereur à Constantinople. Boniface de Montferrat  /...

 

 

 

 

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... se fit Roi de Salonique, Geoffroy de Villehardouins, prince dAchaïe ou de Morée, Gauthier de Brienne, duc d’Athènes. Le partage entre les barons Chrétiens eut une durée éphémère. La dynastie des Paleslogues régna à Byzance, à Venise et à Athènes sur les débris de l’empire d’orient. La grande marée turque ottomane ne laissa à l’empire romain d’orient, très affaibli, sans troupes et sans argent, aucune chance de survie et en 1459, Byzance est prise. Cette date est habituellement considérée comme marquant la fin du moyen âge et le début des temps modernes. En 1450, Athènes est aux mains des turcs. Le Parthénon, nanti d’un minaret est transformé en mosquée et l’Érechthéion devint le sérail du gouverneur. Les principautés franques reprises une à une par les ottomans de Mohamed II, Venise en profite pour retailler un important domaine en annexant, grâce à sa flotte, les îles ioniennes, ainsi qu’Argos, Nauplie, la Crête , l’Eubée, Lemnos, Naxos et Rhodes. Pour quatre siècles, s’en était fait de l’indépendance de la Grèce.

D’où venait donc cet empire ottoman qui devait faire parler de lui pendant des siècles jusqu’aux temps modernes ? 

Grand Empire Seldjoukide  à son zénith en 1092


Les Turcs Seljouks  furent les premiers à venir en Asie mineure. Ils furent facilement contenus par l’empire byzantin puis les turcs ottomans arrivèrent. En face d’eux un empire d’orient finissant qui n’avait plus rien à leur opposer.

Cet empire turc atteignit son apogée sous Soliman le Magnifique qui régna de 1520 à 1561. Et qui s’empara de Belgrade en 1521, de presque toute la Hongrie et vint assiéger Vienne de septembre à octobre 1529, mais sans succès. Sur mer, les turcs maitres de Rhodes depuis 1522, supplantèrent progressivement les vénitiens, en utilisant les corsaires comme Barberousse, qui amènera l’Afrique du nord à la « sublime porte » et sèmera la terreur parmi tous les navigateurs en Méditerranée. 

Au 16° siècle, la Turquie est la plus grande puissance en Europe et en Méditerranée, d’autant que les États chrétiens sont extrêmement divisés. Il est bien difficile d’imaginer aujourd’hui l’importance de l’empire ottoman qui englobait alors  /...

 

 

 

 

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en Asie   : L’Anatolie, l’Arménie, une partie de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan, le Kurdistan, la Mésopotamie, le Hedjaz  avec la Mecque, capitale religieuse de l’Islam depuis 1512.

En Afrique : l’Égypte et les États barbaresques (Tunis, Alger, Tripoli)  

En Europe : Toute la péninsule balkanique et la Grèce, les plaines danubiennes, la Transylvanie, la Hongrie orientale et la Crimée.

 

Empire Byzantin en 1265

 

La flotte ottomane contrôlait presque toute la Méditerranée et l’amiral Duquesne, à la tête de la flotte française tint la mer de 1582 à 1683, pour diminuer les effets désastreux des corsaires barbaresques.

Ce puissant État ottoman était gouverné par un chef temporel et spirituel absolu. Les princes qui constituaient l’empire proprement dit se voyaient gouvernés par toute une hiérarchie relevant directement du pouvoir central. Dans les provinces occupées en général non musulmanes, les turcs faisaient surtout appel à des collaborateurs locaux qui avaient une autonomie plus ou moins grande avec des rois en Hongrie et en Transylvanie, des voïvodes en Valachie et Moldavie, des khans et un Cherif à la Mecque. L’occupation turque se caractérise par une grande tolérance, laissant aux peuples leur religion et leurs traditions, mais les Turcs exigeaient de lourdes rentrées d’impôts. Cette tolérance explique que les Grecs chrétiens de Morée préféraient le Sultan Turc au doge de Venise et que les protestants hongrois, par haine des Habsbourg catholiques, se firent les auxiliaires actifs des turcs qui racolaient leurs enfants pour en faire des janissaires.

Mais l’autorité n’était qu’un clan militaire, complètement séparé du peuple d’où ne venaient ni les officiers, ni les fonctionnaires qui étaient surtout des aventuriers chrétiens renégats, venant de tous les pays et même d’esclaves devenus favoris et promus aux plus hauts postes. Le principal appui restait l’armée permanente, composée de prétoriens purs, choyés par le pouvoir qui leur distribuait honneurs et bénéfices et les rendait peu à peu d’une /...

 

 

 

 

 

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avidité et d’une ambition sans bornes. Cette étrange aristocratie de sabreurs déracinés, crée par la conquête, finit par mettre le trône en péril.

Le corps des janissaires créé en 1334 par Orkhan, le deuxième Sultan ottoman, à base d’enfants chrétiens enlevés à leur parents, se caractérise par un esprit de corps développé, le goût de la guerre et du butin et un sentiment religieux allant jusqu’au fanatisme. Ils n’évolueront pas au cours des siècles. Leur tactique et leur armement se trouvèrent dépassés. Ils ne voulurent jamais en changer. C’était un clan militaire, séparé complètement du peuple, composé essentiellement d’aventuriers. Les janissaires constituaient le principal appui du pouvoir central. À Constantinople, la vie du harem en rendant les successions impossibles à cause du nombre insolite des prétendants, fit que le fratricide devint la règle et ce, dès 1389, avec les janissaires comme agents d’exécution. L’effectif des janissaires, initialement de 12 000, ira jusqu’à 200 000 hommes.

Le règne de Mahmoud II (1765-1839) se place sous le signe du massacre et de la cruauté. Pour éviter d’être renversé, il dut d’abord se débarrasser de tous les hommes de sa famille, puis pour maintenir son autorité et la discipline dans son armée, il extermina presque entièrement le corps des janissaires. Rien que le bombardement de leur caserne, à Constantinople, fit plus de 8 000 tués. Le massacre se poursuivit dans les provinces.

En Grèce, comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs, l’occupation turque se caractérise par une grande tolérance religieuse, laissant pratiquement toute l’administration locale aux Grecs.

C’était une occupation militaire avec une forte perception d’impôts. La domination turque est anarchique et arbitraire dépendant par trop de l’humeur su Sultan et de ses pachas. L’insécurité dans certaines zones était quasiment permanente à cause du développement du brigandage. La police supplétive grecque « les armatoles», totalement incapable de faire respecter l’ordre quand elle ne participait pas elle-même au brigandage, ce qui /...

 

 

 

 

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        ... était particulièrement vrai dans les zone montagneuses du Péloponnèse et au mont Olympe. De nombreuses régions furent ainsi abandonnées à une insécurité permanente, livrés au brigandage et à la police supplétive mise sur pied pour le combattre et qui n’était elle-même, le lus souvent, qu’un ramassis de brigands.

Le 16° et le 17° siècles furent les plus sombres de l’histoire grecque. Les disettes étaient fréquentes dans les campagnes ravagées par la guerre, d’autant que les soldats turcs, les « Timariotes » s’étaient appropriés les meilleures terres. Les Grecs, surchargés d’impôts, réussirent à maintenir leur langue, leur religion et leurs traditions.

En 1687, le doge de Venise Morosini, vint mettre le siège devant Athènes, qui n’était qu’une bourgade de 9 000 habitants et une bombe fit sauter le Parthénon transformé par les Turcs en poudrière. Les européens, visitant la Grèce avec un « firman » octroyé par le pacha, participaient au démantèlement de la Grèce. C’est ainsi que Lord Elgin se permit, entres autres, d’enlever les frises des « Panathénées » qui se trouvent actuellement au British Muséum, sous l’œil indifférent des Turcs.

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Après le guerres napoléoniennes, la question de l’indépendance grecques revint progressivement à l’ordre du jour pour devenir une partie de la grande question d’orient, constituée par les problèmes posés aux grandes puissances dans les Balkans et la méditerranée orientale, par le déclin de l’empire ottoman à partir du milieu du 18° siècle et dont les soubresauts avaient de quoi inquiéter, car en 1683, les Ottomans furent encore capables de mettre le siège devant Vienne. Puis l’empire entra dans une irrémédiable décadence et finira par mériter le titre d’« homme malade » que lui donna le tsar Nicolas Iier.

Pressés par l’Autriche à l’ouest, par la Russie au nord, les Ottomans se débattent dans les pires difficultés.

D’un point de vue général, on peut dire que le démembrement de l’empire ottoman était souhaité par la Russie qui cherche un débouché vers la méditerranée pour sa flotte de la mer noire.

 

 

 

 

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avec des visées évidentes sur Constantinople et les détroits qui lui ouvriraient toute grande la porte de la méditerranée. Mais l’Angleterre, par la survie de l’empire ottoman, même moribond, voulait empêcher cette opération. La France et l’Autriche aidaient l’Angleterre pour s’assurer des positions favorables dans les Balkans, en Égypte et au levant.

La question d’orient avait été laissée de coté au congrès de Vienne en 1813, tout heureux d’en avoir fini avec le premier empire français, et Napoléon. Dès le début du 19° siècle, la question se pose avec beaucoup d’acuité, en raison de la révolte des peuples chrétien en Serbie, au Monténégro, en Grèce et en Roumanie.

Romantisme aidant, les grands mouvements révolutionnaires s’activent, le plus souvent dirigés par des intellectuels grecs résidants dans les grands centres urbains en Europe. Adamántios Koraïs à Paris, Kounras à Vienne propagent les idées libérales.

En Grèce même Righas Pheraios, « l’apôtre de la patrie », ébauche le plan de libération des peuples chrétiens. Il est arrêté et exécuté par les Autrichiens à la demande du Sultan. Telle était la terreur qu’inspirait la « Porte » à l’Autriche. Les écrits libertaires affluaient en Grèce, venant de toutes les capitales européennes, entretenant une ébullition permanente du peuple hellène.

Déjà en 1770, le Péloponèse s’était soulevé, puis les Souliotes d’Épire, cautionnés par la Russie qui abandonnera sans façon les révoltés. (Les Souliotes qui joueront un rôle important par la suite, étaient des habitant de Souli en Épire, dans la province de Janina, dévastée par Ali Pacha, qui ne regroupait que quelques villages.).

De 1810 à 1820, marins corsaires et montagnards insoumis attaquent avec une hardiesse croissante les forces turques. En Europe, une société secrète, l’« Hétairie » regroupe des forces et des finances pendant sept années. Les soulèvements locaux se multiplient sans grande unité de vue ni coordination, l’Église étant le support de l’âme grecque et son meilleur soutien.

En 1821, Germanos, archevêque de Patras donne le premier /...

 

 

 

 

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                                                                                                                    ... signal du soulèvement général en faisant massacrer tous les Tucs de Patras, auquel répond immédiatement le massacre des Grecs de Constantinople. Les Grecs, vaincus à l’est, sont vainqueurs en Morée. Les « Palikares » les miliciens grecs, aidés par les corsaires, reprennent les places ottomanes. Ali Pacha de Jannina, faisant cause commune avec les grecs est battu, mais les Grecs sont maitres de la mer grâce aux corsaires d’Hydra, qui du temps des Turcs amassèrent des fortunes fabuleuses et se firent construire les magnifiques palais d’Hydra ; ils furent les premiers à embrasser la cause de la liberté : leurs noms sont célèbres en Grèce : Condouriolis, Miaoulis, Tombaziz. Ils se ruinèrent à la tête de leurs galères dans un combat incessant contre les Turcs, et leurs descendants pêchent des éponges aujourd’hui.

Les corsaires Canaris (un Souliote) et Miaoulis détruisent la flotte ottomane en 1822 en lançant des brûlots contre la flotte turque, incendiant beaucoup de galères et tout particulièrement le vaisseau amiral. Il fallait une grande audace pour utiliser ces brûlots enduits de goudrons, contenant du soufre et de la poudre, constituant ainsi une variante du feu grégeois les conducteurs de ces brûlots jusqu’à leurs cibles faisaient pratiquement le sacrifice de leur vie. Dans cette attaque massive, les Turcs auront 3 000 tués et les corsaires la maitrise totale de la mer, assurant le ravitaillement des rebelles en aliments, en armes et en Hommes.

Malheureusement, l’entente n’était pas toujours très bonne entre les insurgés Grecs, au grand désespoir des Européens venant les aider comme Byron. Un bon exemple est celui de Pierre Mavromichalis, dit « le Roi du  Magne » région montagneuse du sud Péloponnèse dès 1821, il soulève 12 000 Maniotes contre les Turcs qu’il décime sans merci et les chasse de la région, puis il se battra contre grecs, fit quelque mois de prison, puis l’indépendance venue fut nommé sénateur et conseiller du Roi Othon. Les Maniotes se considéraient comme les seuls vrais descendants des Spartiates.

 

 

 

 

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La question de l’indépendance de la Grèce créait des problèmes aux gouvernements en place en Europe. Les libéraux prenaient fait et cause pour la Grèce et le gouvernement se surveillaient sans prendre directement parti. Toutes sortes de personnalités prenaient part à la bataille de l’indépendance grecque, mais à titre personnel. C’est ainsi qu’Athènes, prise le 5 juin 1827 par les Ottomans, voyait sa défense assurée par le [4] par les Turcs. Lord Byron mourra en 1824 à Missolonghi encore grecque. Toutes les reprises de la ville par les turcs se traduisaient par des massacres de populations. Yousouf Pacha reprend Jannina puis Patras où 5 000 Grecs sont tués. Le pire arriva dans l’île de Chio (et non Scio) dont le retentissement fut énorme en Europe. Cette île du Dodécanèse, toute proche de l’Asie, revendique Homère pour son enfant.

Jusque là, les habitants avaient été remarquablement traités par les Turcs, car l’île était considérée comme le domaine des sultanes. Malgré cela et par pur patriotisme Grec, l’île se lança dans la guerre d’indépendance en 1822. Les représailles furent abominables : 25 000 furent égorgés. 45 000 habitants déportés ou vendus comme esclaves. La famine et le typhus s’abattent sur les survivants. Sur 200 000 habitants, il ne restera plus 2 000 infortunés sur cette île que les hommes avaient transformée en paradis. Suivant une habitude orientale, imitant en cela les Assyriens et Tamerlan, les Turcs érigèrent des pyramides de têtes coupées à l’entrée des agglomérations.

Débordé, sa flotte anéantie, le Sultan Mahmoud II appelle à son secours son puissant vassal Mehemet Ali, Pacha qui possédait une flotte et une armée très sérieusement modernisée par des techniciens français : contre la promesse de la cession de la Morée à l’Égypte En 1825, le fils de Mehemet Ali, Ibrahim, débarque 20 000 hommes en Morée et reprend /...

 

 

 

 

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                                                                                                                                  ... Navarin qui devient sa base maritime. Il a à sa disposition 600 vaisseaux, 800 cavaliers et 15 000 fantassins. Le 25 avril 1826, Ibrahim assiège Missolonghi de deux cotés à la fois. L’une des deux colonnes est repoussée, l’autre nettoie la ville maison par maison. Les vieillards, les femmes et les enfants se réfugient dans un dépôt de munitions où les Ottomans pénètrent à leur tour. Les Grecs font sauter l’ensemble et 3 000 Égyptiens et Turcs périront avec les Grecs. En 1827 les Turcs reprennent Athènes, défendue sur l’Acropole par le colonel Fabvier. (Athènes que les Turcs appelaient Satiniah)

Pendant ce temps, Français et Anglais surveillaient les Russes dont les visées sur le Bosphore étaient évidentes.

Mahmoud II fortement diminué, car il venait de faire massacrer une bonne partie de ses janissaires, entre en négociation avec les gouvernements européens, qui tous demandent l’indépendance de la Grèce, d’où un nouvel appel de renforts égyptiens. 4 000 hommes supplémentaires débarquent en Morée, qui, avec Candie, avait été promise au Sultan d’ Égypte. Au cours de l’été 1822, les commandants des flottes françaises, anglaises et russe avaient reçu de leurs gouvernement respectif, la délicate mission d’imposer aux Turcs une suspension d’armes, mais les Turco-Égyptiens ne voulurent rien savoir et continuèrent leurs exactions dévastant la Morée, si bien que les alliés résolurent de faire une démonstration de force devant Navarin. Il s’agissait en principe d’obliger la flotte, surtout égyptienne à regagner ses bases et à cesser de regagner les armées de terre. Ils voulaient ainsi intimider au lieu de livrer bataille.

 

 

 

 

Figure N°6

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La flotte anglaise de Codrington, la flotte française de l’amiral de Rigny bloquant Navarin, la base de ravitaillement d’Ibrahim et lui imposent un armistice, puis offrent leur médiation entre Grecs et Turco-Égyptiens qui est refusée. En octobre, les vaisseaux russes de Heyden viennent renforcer le blocus. 192 vaisseaux de ligne russe, anglais, français et turcs se pressent à se toucher, se faisant face dans un champ clos de quatre kilomètres carrés. Les escadres étaient rassemblées dans cette nasse, fermée par l’îlot de Sphactérie, non pour se battre, mais pour conclure une trêve « sans hostilité ni effusion de sang ». 

 

 

 

 

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Suivant les déclarations officielles, la fatalité en décida autrement. Pendant deux jours, il ne se passa rien, mais tout le monde se surveillait. Un matin, les vigiles signalent que des brulots égyptiens se détachaient de la ligne musulmane. Les sommations furent lancées qui dégénérèrent en fusillades. Un officier anglais fut tué par un coup de feu venant de la ligne turco-égyptienne. D’où une réplique immédiate et la conflagration devint générale. La bataille fut longue et terrible. Pendant trois heures, elle déchaina un ouragan de feu. On se battait pratiquement au corps à corps. Les navires, bord à bord, faisaient un immense plancher mouvant et on se battait à l’aveuglette, dans une fumée du tonnerre de dieu produite par les bouches de 3 714 canons tirant leurs bordées à bout portant. Accumulée dans cette petite rade fermée, la fumée fut longue à disparaitre. Lorsque le soir le vent l’eut dissipée, on constata la défaite totale de l’escadre turco-égyptienne. Les 58 vaisseaux étaient coulés et i n’y avait en face d’eux que 26 vaisseaux anglo-franco-russes opposés à une quarantaine de vaisseaux de ligne ottomans, complétés par des brigandins, flûtes et Chébec beaucoup plus petits. Il semble bien que dans ce cas les amiraux aient forcé la main de leur gouvernement respectif et qu’ils se soient bien préparés à un tel accident et à une riposte précise.

Les alliés ne perdirent que 77 hommes. Les Turco-Égyptiens : 6 000. La puissance de feu des vaisseaux de ligne était remarquable face à des navires arrêtés, moins bien armés et probablement moins bien entrainés. 

Entre 1815 et la fin du 19° Siècle, le type de bâtiment qui domine dans les flottes européennes est le vaisseau ou navire de ligne à trois pont et trois mâts. Les canons sont disposés en étages superposés. Au début, le château arrière est très élevé (jusqu’à 25 m au dessus de l’eau). Il s’abaissera considérablement par la suite, car trop vulnérable à l’artillerie adverse. Ces merveilles de charpenterie navale portaient beaucoup de décorations sculptées ou peintes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Au 12° siècle, ces navires jaugeaient 1 500 à 1 600 tonnes , mais la taille ira en augmentant  jusqu’au /...

 

 

 

 

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                     ... début du 19° siècle. Vers la fin de la marine à voile, en 1860, les navires iront jusqu’à 7 000 tonnes. En général, ces vaisseaux comptaient jusqu’à 130 pièces d’artillerie. Ces navires étaient le plus souvent accompagnés de vaisseaux plus légers du type brigandin, corvette, frégate, plus rapides et plus maniables, porteurs de 20 à 40 canons. Les canons de bronze se chargeaient par le bouche. En effet, il fallut attendre 1851 pour que Krupp fasse des canons d’acier chargés par la culasse.

Flûte

Chebec


Après Navarin, les gouvernements réagirent de façon anarchique. Wellington qualifia le combat naval « d’accident sinistre car l’Angleterre tenait avant tout à éviter une intervention russe dans les Balkans et surtout dans les détroits. Les choses allaient si mal que l’on put craindre, un instant, un grave conflit anglo-russe, pendant lequel le sort de l’indépendance grecque risquait fort d’être oublié. L’Autriche ultra réactionnaire de Metternich était très opposée à l’intervention anglo-franco-russe et se maintenait dans une stricte neutralité, d’autant que quelques navires autrichiens de commerce qui se trouvaient à Navarin, avaient subi le sort des navires turcs, d’où, en Europe, une levée de bouclier contre l’Autriche soupçonnée de jouer double jeu. Les amis des Grecs et les libéraux de tous les pays réagiront violemment.

à la tête de 14 000 hommes, le Général De Maison quitte Toulon pour expulser les ottomans et les Égyptiens de Morée. Ibrahim est rappelé en Égypte par son père, sur l’insistance énergique de l’Angleterre. Les Russes, ne perdant pas de vue leurs visées sur les Dardanelles, attaquent l’Empire ottoman au Nord.

Le 14 septembre 1829, les Turcs reconnaissent enfin l’indépendance de la Grèce , mais une Grèce territorialement très amputée. La Thessalie, l’Épire, la Macédoine, la Thrace, la Crête et les îles de la mer Égée restent au Turcs. Mais l’indépendance totale  /... 

 

 

 

 

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                                                                                                                                                                                                 ... de la Grèce était en marche.

En 1830, les alliés offrent la couronne de Grèce au deuxième fils du Roi Othon de Bavière, sur l’insistance de l’Angleterre, alors que le Capo d’Istria est élu Président provisoire. Mais trop entouré de Bavarois, Othon est renversé par une insurrection en1853. Toujours sous l’influence prépondérante de l’Angleterre, la couronne passe au Prince Guillaume de Danemark,, beau-frère du Prince de Galles, sous le nom de Georges Iier dont la famille règne jusqu’en 1933 avec des haus et des bas. Quand à Capo d’Istria, il fut assassiné dès 1831, pour des causes semble-t-il non politiques.

En 1863, les îles ioniennes, qui étaient sous l’autorité de l’Angleterre, sont annexées à la Grèce. À la suite des guerres balkaniques, en 1881, le royaume de Grèce s’agrandit de la Thessalie, d’une partie de l’Épire et, en 1913, la Grèce récupère la partie sud de l’Épire avec Janina, la Macédoine avec Salonique, la Thrace occidentale, la Crète et les îles de la mer Égée.

Après la Grande Guerre de 1914-18, le démantellement de l’Empire Ottoman qui avait choisi la mauvaise carte, continue et au traité de Neuilly et de Sèvres en 1920, la Grèce récupère la Thrace orientale et occidentale. C’est le pric de l’alliance turcque avec l’Allemagne.

Et pour en finir, en 1942, l’Italie perd les îles du Dodecanèse au profit des Grecs.

Entre temps, en1923,les Grecs auront à faire face à l’immigation d’un million et demi de réfugiés Grecs d’Asie mineure.

Le démentiellement de l’Empire ottoman ne s’étai pas fait uniquement au profit de la Grèce, mais également au profit des pays voisin. Déjà en 1669, la Hongrie était rattachée à l’Autriche  et la Transylvanie à la Pologne.

En 1774, la Russie prend la Crimée et obtient le titre officiel de « défenseurs des orthodoxes, ce qui pouvait justifier d’éven-  /... 

 

 

 

 

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                                                                                                                                                                                                                  ... tuelles interventions en Grèce.

En 1812, la Bessarabie passa à la Russie et en 1830 voit la naissance de la Serbie.

 

Après la guerre de 14-18, l’Empire ottoman perdra toutes ses possessions Orient, en création des États libres de Moyen Orient et de Mésopotamie, sous la tutelle de l’Angleterre, et il se trouve confiné aux frontières de la Turquie d’Europe et d’Asie.

La laborieuse indépendance grecque devra sans doute beaucoup à la lutte d’influence entre l’Angleterre, la France et la Russie, mais aussi à l’action et aux écrits en Europe des libéraux de tous les pays. Les voyages en Orient étaient devenus à la mode. Au début, l’œuvre qui lanca la Grèce dans l’opinion est certainement le « Giaour » de Lord Byron qui ira mourir à Missolonghi probablement de malaria, sur un corps usé. Chaque évènement était illustré en Europe d’une façon ou d’une autre. Artistes peintres et littérateurs s’en donnent à cœur joie.

Le célèbre tableau de Delacroix « Le massacre de Scio » (Chio en réalité) fut exposé au Salon de1824.

Victor Hugo publia « Les orientales » en juin 1829. Certains poèmes sont consacrés aux héros de l’indépendance grecque. L’un d’eux s’intitule « Canaris », du nom du corsaire le plus célèbre t le plus populaire des héros grecs qui s’illustra en 1822 en détruisant une bonne partie de la flotte turque avec des « brûlots ».

Dans un autre poème, « Les têtes du Sérail » publié en 1826, à l’époque du désastre de Missolonghi, les journaux avaient annoncé la mort de Canaris, tué dans sont brûlot par une bombe turque, ce qui était faux. Mais ce qui ne l’était pas, c’est que les Turcs coupèrent 6 000 têtes qui furent exposées et le tombeau de Botzaris (un autre Souliote) fut ouvert et la tête envoyée au Sultan. Botzaris était le héros de la première prise de Missolonghi. Il fut tué en 1823 d’une balle dans la tête et enterré à Missolonghi. Le tombeau sera refait par les Français avec une  /...

 

 

 

 

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                                                                                                                                                                                                     ... statue de David d’Angers : une jeune fille montra du doigt Botzaris surnommé « Le Léonidas de la Grèce moderne ».

Dans une ode intitulée « Navarin », Hugo s’adressant à Canaris y regrette son absence à la bataille. Comme Henri IV écrivant à Crilllon après la bataille d’Arques », « Pends-toi, brave Crillon, nous avons vaincu à Arques et tu n’étais pas là ».

Victor Hugo, dans deux chants du crépuscule, regrettera que le nom de Canaris tombe progressivement dans l’oubli.

Chateaubriand parle également de la Grèce et de ses héro, dans son « Itinéraire de Paris à Jérusalem »

En Mars 1826 Chateaubriand avait lu à la Chambre des Députés la lettre d’un guerrier Grec de 15 ans.

C’est certainement ce qui a donné naissance au poème le plus célèbre des « Orientales » : « L’enfant »

L'Enfant

 

 

 

 

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                         L'Enfant

Horror, horror, horror !
             (Machbeth)


 

 

Les Turcs ont passés là. Tout est ruine et deuil.

Chio, l’île des vins,n’est plus qu’un sombre écueil,

Chio, qu’ombrageaient les charmilles,

Chio, qui dans les flots refétaient ses grands bois,

Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois

Un chœur dansant de jeunes filles.

 

 

Tout est désert. Mais non; seul près des murs noircis,

Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;

Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

 

Ah ! Pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde.

 

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?

 

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?

 

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? Fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.

 8-10 juillet 1828

 

     Victor Hugo - Les Orientales

 

 

 

 

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Manuscrit ð